@ Marianne Brausch, 2025
Dehors Dedans
Marianne Brausch
Lëtebuerger Land - Édition N°03 - 17.01.2025
Exposition dans l'ancien réservoir d'eau
H20 à Differdange:
Thierry Harpes et Jo Malano
Malgré la petite taille du pays, il est difficile de faire la liaison entre les différents lieux consacrés à la culture et de s'y rendre. Comme si le paysage des arts visuels était à l'image de l'habitat, une toile d'araignée aux multiples fils, sans connexions. Certes, il nest pas besoin de rappeler qu'à Differdange se trouve le 1535° creative hub, ouvert en 2011. Mais, au point de vue des expositions d'art contemporain, Differdange est plutôt modeste.
La commune dispose cependant, avec son ancien réservoir d'eau à Oberkorn, H2O, d'un lieu exceptionnel, devenu espace
d'exposition à l'occasion du centenaire de la ville. La commune a proposé au deux artistes Thierry Harpes et Jo Malano, amis de jeunesse depuis leurs études aux Arts et Métiers, d'occuper les deux espaces jumeaux de quelques 500 m° chacun. Jo Malano, cherche à montrer ce que lui inspire la nature. Cela peut être très coloré, comme ces lichens qui ont subi un traitement contre-nature à coups de spray. Ses roses vues du dessus et non pas disposées en bouquets, peuvent être représentées étonnamment en noir et blanc et disposées en bottes, comme elles arrivent transportées en camions frigorifiques des Pays-Bas.
Jo Malano (né en 1994), peintre autodidacte, a exposé au CAL de printemps il y a deux ans et participe régulièrement à des
expositions communes à l'espace culturel Metzerschmelz à Schifflange. Thierry Harpes lui, a profité des deux mois seulement avant 'ouverture de l'exposition, pour s'essayer à épurer son langage formel. Il présente des grands (180 x 200 cm) et moyens formats (70 x 80 cm), qu'il aurait aimé disposer suivant un parcours spatial indépendamment des murs.
Cela na pas pu se faire pour des raisons d'accrochage technique et l'éclairage nest pas des meilleurs pour la mise en valeur des parties mates et brillantes de ses tableaux, alors que c'est un élément essentiel de sa peinture. Thierry Harpes (né en 1991), a derrière lui une solide formation, qu'il a achevée en 2021 avec le grade d' « excellence » sous la direction de Marc Sadler à la UDK - Universität der Künste Berlin. Il s'essaie ici à un exercice de liberté formelle, directement exprimée sur la toile. Sur fond de musique, « de cirque» dit-il, qu'il compose lui-même.
Parce qu' Harpes a séjourné dans un premier temps à Arles, avant de repartir pour Berlin, on a aussi pensé aux musiques de scène de Darius Milhaud, Le Bœuf sur le Toit, Saudades do Brasil, Suite provençale. Dansantes. Ce sont ses premières œuvres que l'on a découvertes en 2022, avec leurs dominantes bleu et rose, des couleurs du Sud et leurs volutes évoquant des balustres de fenêtres en fer forgé entre le dedans et le dehors.
On a pu le voir évoluer, en 2023, avec des œuvres qui incluent des collages et où les balustres baroques sont devenues écritures. Quel rapport avec ici les grands gestes tracés au fusain ? « Tous les tableaux représentent un chapitre d'une narration explorant équilibre entre simplicité et complexité», nous explique Thierry Harpes. S'ils ont un rapport avec des souvenirs formels déjà vus, l'artiste rappelle à juste titre que notre cerveau est un peu comme une banque d'images.
Il y a un trait, qui suit un parcours libre tracé au fusain, dans le premier tableau de la série qui s'appelle The space within, le
rouge est très présent. Suivent des variations orange, bleue, jusqu'à une grande toile à dominante rose aux tracés au fusain très serrés autour d'espaces, petits, très cernés, qui évoquent une tapisserie ou un vitrail. Comme si Thierry Harpes épuisait là ce qu'il peut y avoir de très dense sur la toile.
Puis, la voilà, cette simplicité. Deux grands formats;
- l'un à dominante mauve, l'autre bleu ciel, qui sont en fait la dernière couche de peinture brillante, cernent comme des ilots jaunes mat qui eux-mêmes encerclent des traces de la première esquisse au fusain. Les angles ne sont jamais fermés par la couleur dominante ; l'espace s'échappe du tableau. Suivent une suite de variations de moyens formats (70 x 80 cm), où le rapport dedans dehors est de plus en plus simplifié.
Une question de regard et de perception.... La force ou la douceur de la peinture proviennent des teintes soit vives, soit pastel. Thierry Harpes a lu Hans Belting (1935-2023), théoricien des images qui « prennent corps, envahissant le langage des contemporains...» Ainsi avons-nous parcouru The space within, une exploration qui, du dehors, nous a ramenés au dedans ?
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Duo Tea Sacculos, de Thierry Harpes
et Jo Malano, est à voir à l'Espace H20
à Oberkorn jusqu'au 26 janvier